Dans le premier hors série de Retrogames, une compilation de 180 pages des grands classiques du jeu vidéo des années 70 à 90, Hideo Kojima raconte ses débuts difficiles au sein de Konami, à travers une interview très intéressante dont voici un petit aperçu. Note : L'article original a été écrit le 9 mai 2011 et mis à jour le 18 août 2015.
Comme beaucoup d'autres créateurs à cette époque, rien ne prédestinait
Hideo Kojima à travailler dans le milieu du jeu vidéo. Sortant de l'université où il a étudié l'économie, le papa de Snake vouait un véritable culte pour le cinéma
qu'il pratiquait en tant qu'amateur.
« D'abord, je m'intéressais aux films... mais je n'arrivais pas à m'impliquer. Je faisais face à mes frustrations. Mais quand est arrivée la Famicom, je suis tombé amoureux de Super Mario Bros. » À cette époque, les jeux vidéo étaient un nouveau média. Un média plein de potentiel dont Hideo Kojima était persuadé pouvoir s'y épanouir avec sa créativité. Cependant, c'est bien connu, tout ce qui est nouveau engendre l'inquiétude. C'est la raison pour laquelle l'entourage de Hideo Kojima, voyant ce nouveau média d'un mauvais œil, lui déconseillait vivement de ne pas prendre cette voie.
« Si mon père avait encore été vivant à l'époque, je suis sûr qu'il aurait été préoccupé par l'intention que j'avais de rejoindre une entreprise de jeux vidéo. Tous mes amis et mes professeurs disaient que j'étais fou de ne pas aller travailler dans une banque ou toute autre entreprise "convenable". Ma mère était la seule personne qui comprenait et qui m'a encouragé dans ma décision d'aller dans l'industrie du jeu ».
Plein d'étoiles dans les yeux, Hideo Kojima a donc commencé chez Konami, sans savoir dans quoi il s'embarquait vraiment. D'ailleurs, ses premiers jours étaient loin d'être un rêve.
« Je donnais un coup de main sur les idées graphiques de base quand j'ai rejoint pour la première fois la société [Konami]. J'étais comme un stagiaire à l'époque. C'était amusant, mais vraiment difficile. Personne ne m'apprenait ce qu'il fallait faire et je n'avais aucune expérience, ni personne à qui demander non plus. Je me débattais donc tous les jours et j'ai fini par peaufiner une petite idée. » Cette idée, c'était
Lost Warld qui mettait en scène une guerrière masquée. Pourtant, après six mois d'élaboration, Konami n'y croyait plus et mit un terme à ce projet. Hideo Kojima était alors complètement décontenancé.
« J'ai eu envie de partir quand l'ensemble du projet a été mis à la poubelle. Mais au même moment je me suis senti gêné de partir alors que tous mes amis m'avaient déconseillé de travailler dans l'industrie du jeu. Je sentais aussi qu'avant de partir, j'avais besoin de terminer au moins un projet. »Si on doit
Metal Gear à Hideo Kojima aujourd'hui, c'est grâce à un homme, son
« mentor » dont Kojima taira le nom dans cette interview.
« C'était un type formidable ! Il avait découvert que j'avais échoué [...] alors il m'a invité à dîner un soir pour me remonter le moral. En fait, il a été l'une des personnes qui ont contribué à convaincre l'entreprise de faire Metal Gear ». Cet homme s'appelle
Naoki Matsui. C'était un designer très respecté chez Konami. Il a travaillé sur des jeux, principalement sur MSX, tels que Nemesis 1, 2 et 3, Salamander, Space Manbow, Castlevania, Metal Gear, Snatcher et bien d'autres encore. Au début de l'année 1987, Konami refusait le projet de Hideo Kojima qui consistait à créer un "nouveau jeu de guerre" avec l'infiltration comme clé du gameplay. Voyant Hideo Kojima lutter pour ses idées mais sans succès, Naoki Matsui est venu à son secours en se portant garant de lui. Konami fini par accepter et quatre mois plus tard à peine,
Metal Gear était né. Naoki Matsui quitta Konami après avoir travaillé sur Teenage Mutant Ninja Turtles: Fall of the Foot Clan, un jeu sorti en 1990 sur Game Boy.
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Naoki Matsui.
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De retour en piste, plus motivé que jamais, Hideo Kojima allait se trouver face à une situation qu'il allait à nouveau connaître vingt-quatre ans plus tard
avec Metal Gear Solid : Peace Walker et Metal Gear Solid Rising. En effet, dans la division de Kojima à l'époque, il y avait des équipes qui travaillaient sur les bornes d'arcades, d'autres sur Famicom et d'autres sur MSX.
« Être dans l'équipe ayant la plus faible technologie – l'équipe MSX – voulait dire que je devais être sans cesse en concurrence pour me faire remarquer. [C'est comme si] l'une faisait un blockbuster hollywoodien avec le son 5.1 et tout, et l'autre créait un film en noir et blanc. [Étant dans cette seconde équipe] j'ai toujours pensé à des idées qui ne s'appuieraient pas sur la technologie mais qui seraient en concurrence avec les équipes de la Famicom et des bornes [...] L'habitude de "penser l'idée", je crois que le dois à la division dans laquelle j'étais. Aussi, travailler dans cette division m'a forcé à comprendre le son, la programmation, la compression. Parce que quand vous avez une idée, vous devez déterminer comment elle peut être gérée, et trouver aussi des idées sur l'aspect technologique. ».
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Premiers concepts pour Metal Gear et Snatcher.
À l'époque, ce dernier était d'abord baptisé "Junker".
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Fin des années 80,
Hideo Kojima créa Snatcher en partant de rien, sans outils. Avec l'aide de cinq ou six personnes, il commença à réaliser un story-board particulièrement épais et fourni d'informations,
« comme une encyclopédie ! » précise Hideo Kojima. C'est pourquoi, Konami conseilla au papa de Snake de faire le jeu en deux parties.
Snatcher, tel que nous le connaissons, a donc été la première partie de ce projet.
Malheureusement, Konami changea d'avis par la suite, et Hideo Kojima n'a pu réaliser la seconde partie comme il le souhaitait.
« Pour le projet suivant, j'ai commencé quelque chose que je n'avais pas pu finir avec Snatcher, aventure, drame et action combinés. C'était Policenauts. » C'est d'ailleurs au cours de ce projet, que les talents de
Yoji Shinkawa ont rejoint ceux de Hideo Kojima.
« Policenauts a été créé dans de nombreux formats, PC-Engine, 3DO, PlayStation, Saturn. Pendant ce temps, je voulais créer Metal Gear Solid. Mais ce n'était pas possible à ce moment-là. Osaka était responsable de la création de titre pour la plate-forme Nintendo. Un peu après ça, KCEJ [Konami Computer Entertainment Japan] a été créé à Tokyo et je suis devenu vice-président de cette entreprise, ce qui m'a conduit à créer Metal Gear Solid. » Quant à Policenauts, il est peu probable qu'il connaisse une suite un jour.
« J'ai fini ce que je voulais faire avec Policenauts. Il n'y a rien d'autre à ajouter [...] Mais je dois l'admettre, j'aime encore les jeux d'aventures, et je souhaite en créer un autre un jour. »
Une interview à lire en intégralité dans
Retrogames, volume 1. Merci à
Junker pour son aide.