A Hideo Kojima Game
 
Metal Gear Solid V
The Phantom Pain


Développeur : Kojima Productions
Genre : Action/aventure
Plate-forme : PS3, Xbox 360, PS4, Xbox One, PC
Disponibilité : 1 septembre 2015
 
ACTUALITES

Requiem et renaissance - Metal Gear Solid V comme un nouveau départ

06/06/2016 à 14:00 par Flying_fox
Requiem et renaissance - Metal Gear Solid V comme un nouveau départ

"Quel que soit le cercle d'enfer dans lequel nous vivons,
je pense que nous sommes libres de le briser. Et si les gens
ne le brisent pas, c'est encore librement qu'ils y restent.
De sorte qu'ils se mettent librement en enfer."

Jean-Paul Sartre



"Watch out. The gap in the door... It's a separate reality.
The only me is me. Are you sure the only you is you?"

Hideo Kojima


Note : Cet article contient de nombreux spoilers et des révélations importantes. Nous vous conseillons vivement de terminer le jeu avant la lecture de celui-ci.

Introduction

« On ne naît pas Big Boss, on le devient » : c'est ainsi que Cyril Lener (Chronic'Art) décrit le lent parcours initiatique du joueur dans Metal Gear Solid V: The Phantom Pain. La formule fait écho à la célèbre phrase de Simone De Beauvoir, « on ne naît pas femme, on le devient », qui condamne l'oppression d'une culture dominante sur une autre, l'assujettissement d'un esclave à un maître. En un sens, Cyril Lener a donc tort dans sa formulation, puisqu'il y parle du maître et non de la personne dominée. Peut-être devrait-on dire, à propos de MGSV : « on ne naît pas joueur, on le devient ».

La condition de la femme était le moteur de la pensée de Simone de Beauvoir ; chez Hideo Kojima, c'est la condition du joueur. Notre assujettissement volontaire aux pixels l'obsède. Le devenir culturel des « Homo Ludens » est au cœur de ses préoccupations, lui qui nous perçoit à la fois comme des Sons of Liberty et des Guns of the Patriots, comme des « Diamonds » et des « Dogs ».

Dans cet état d'esprit, comment l'ultime Metal Gear de Kojima aurait-il pu prendre une autre forme que celle d'une dernière tentative d'éveil de nos consciences ? MGSV reprend le flambeau de MGS2. Néanmoins, quatorze ans plus tard, la flamme a perdu de sa lueur. Elle continue de brûler mais elle a été « subdued », comme disent les anglophones pour désigner une lumière affaiblie, tamisée. Un feu maîtrisé. Ce mot, on le retrouve dans la traduction d'une interview de Kojima : c'est ainsi qu'il décrit la performance de Kiefer Sutherland dans MGSV. « Subdued » fait aussi référence à la modération, la modestie, la discrétion, la mise en berne... Un style approprié au chant du cygne de (l'ancien) Kojima Productions. MGS2 avait l'ivresse de la jeunesse, l'avenir devant lui ; MGSV prend majoritairement la forme d'un bilan ambigu et déchiré, au terme de trois décennies d'une effervescence créatrice qui n'a pas toujours eu les effets escomptés.

La leçon finale de Kojima est donc prononcée à mi-voix, à demi-mot, entre les lignes... Mais elle n'en est pas moins dense que les précédentes. Au contraire, la finesse avec laquelle elle est menée rend le message d'autant plus acerbe, pertinent et – puisqu'il s'agit de Kojima – ambivalent : tantôt optimiste, tantôt (très) pessimiste. Jamais un Metal Gear n'aura été si personnel pour lui. TPP n'est pas, comme le disent ses détracteurs, un amas d'occasions manquées. Il constitue, au contraire, une occasion pleinement saisie par son créateur pour exprimer ses opinions et sentiments. Comme d'habitude, il s'y prend en détournant chaque aspect du scénario et du game design pour évacuer sa rage, sa peine, sa joie et ses doutes. Le résultat est un jeu schizophrénique, à la frontière du récit de fiction et du témoignage personnel... Un miroir brisé, tout aussi fragmenté que ce qu'il reflète, et dont il semble impossible de recoller les morceaux.

Bienvenue dans le monde étrange de Docteur Kojima et Mister Mogren. En tendant l'oreille, vous entendrez le morceau qu'ils jouent en sourdine, presque pour eux-mêmes... Un requiem en trois mouvements : « Race », « Revenge », « Rebirth ».


Table des matières


Lire la suite : Chapitre 1 : RACE




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13 Commentaires
venomsnake venomsnake
26/06/2016 à 17:39
genial analyse (et peut etre la derniere sur se jeux)
A relire absolument, il y a juste un truc qui me gene.
C est la fin avec huey, bien sur il ne pouvait pas mourir (sa aurait ete incoerent) mais a le rendre si (kojima) crapuleux, et que venom le laisse juste partir sa le(nous) fait passer pour un mou.
Perso j aurait dit a kaz amuse toi avec lui!
r-geek r-geek
12/06/2016 à 13:33
super analyse tellement juste quel ressentie super bravo l'ami !
Gray Box Gray Box
08/06/2016 à 18:10
Si "l'amputation du scénario" est la silhouette qu'entrevoit la grande majorité des critiques scénaristiques, tu as largement reconstitué le membre fantôme de cet opus. C'est de loin la meilleure critique qu'il m'ait été donné de lire. En vérité, je n'ai pas encore lu la partie 3. Je me demande s'il le faut (jk bien sûr).
Un très bel hommage, peut-être celui-là même que V méritait. À lire, à relire et à partager.
Merci à toi et chapeau bas pour ton dévouement à la saga!
PunishedKaz PunishedKaz
07/06/2016 à 21:16
Très belle analyse.

On s'est foutu de moi sur le net quand j'ai défini TPP comme un jeu d'auteur. L'oeuvre la plus personnelle de Kojima.
C'est un soulagement de lire quelqu'un qui pense la même chose.

Tous ces éléments que tu mets en avant ça donne vraiment envie de refaire le jeu tout en y attachant la plus grande attention.

Merci beaucoup c'était un vrai plaisir de te lire.

Et merci encore koko pour tes jeux fascinants!

flying_fox flying_fox
07/06/2016 à 10:36
Merci à tous !

@narnar : Tu as raison, pour les personnages. C'est dérangeant qu'ils puissent représenter plusieurs "camps" à tour de rôle. Mais justement, je pense qu'ils ont été conçus, comme beaucoup d'autres choses dans TPP, pour être ambigus, interchangeables.

La cassette de Strangelove en est le meilleur exemple : les deux personnages dont elle parle ne peuvent pas vraiment être enfermés dans un rôle fixe. J'ai longtemps hésité sur ce passage. J'ai fini par trancher : Joy est le joueur, Hal est le jeu. Mais l'inverse est tout à fait possible. Même la figure du "père" prête à confusion : il peut tout à fait s'agir de Kojima.

Ca fait partie de ces moments où il faut se lancer, choisir de quelle manière on recolle les morceaux du miroir... Tout en gardant à l'esprit, et j'en suis bien conscient, que ce n'est pas "La Vérité" (voir le discours d'Ocelot sur la réalité "objective" et l'article de Sheen sur les "1984 tentatives d'interprétation").
Manji1981 Manji1981
07/06/2016 à 2:04
Un article particulièrement bien écrit et passionant qui une fois de plus fait la lumière sur cet opus si particulier de la saga. Ce fut un plaisir de lire cet article.
n@rn@r n@rn@r
07/06/2016 à 0:23
Félicitation Renard Volant! Magnifique travail d'analyse.

Il y a pas mal de choses pertinentes dans cette analyse.

Même si je dois t'avouer que je suis un peu gêner par le fait que les personnages deviennent tour à tour symbole de konami, kojima le joueur ou l'industrie selon les besoins de ton argumentations. Je sais pas, j'ai tendance à estimer que pour un symbole marche, il faut qu'il soit relativement constant, afin de pouvoir être identifié. Ou alors il y a peut-être un truc que je loupe, mais là comme ça, par moment j'ai plus l'impression que tu cherches de la symbolique pour appuyer ton propos plus que tu t'appuies sur la symbolique pour construire ton propos...

Mais bon, là je chipote grave. félicitation encore une fois, l'article est très intéressant à lire, et apporte un éclairage nouveau à l'épisode pour moi. (le coup de Huey qui récupère les lunettes de kojima est devient à partir de ce moment là sont porte parole je l'avais pas vu et mon dieu c'est brillant :p).

Bref merci^^.
RaidenRising RaidenRising
06/06/2016 à 23:47
Merci pour ce dossier que j'ai dévoré et adoré.
C'est là que tu vois tout le génie de ce jeu et à quel point il a marqué les gens (sans que certain(e)s) ne s'en rendent encore compte.
Nous reparlerons encore de ce titre dans plusieurs décennies !
oldboss oldboss
06/06/2016 à 22:28
Ca m'a l'air plutôt fourni, tout cela ... je me le garde pour demain ! Tu as néanmoins d'ores et déjà mes félicitations ^^
Edenkov Edenkov
06/06/2016 à 22:03
OMFG !

J'en ai lu des analyses sur MGSV mais là je dois bien avouer que celle-ci est la plus pertinente et la plus passionnante qu'il m'est été donné de lire.

Chapeau bas. Vraiment... Respect... Peace.
BigBoss27 BigBoss27
06/06/2016 à 22:02
Superbe !! Tu mets en lumière beaucoup de choses intéressantes. Cela à dû être un travail titanesque, merci de partagé tout cela avec nous ^^.
 ben-ben ben-ben
06/06/2016 à 18:37
Passionnant ...j'ai tout lu , bravo tu t'es gavé .
VicBoss458 VicBoss458
06/06/2016 à 17:01
Un article très intéressant en vue,je m'en vais lire sa tout de suite ^^



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